Objet de l’étude
Les atteintes répétées à l’environnement et à la santé font désormais partie des préoccupations grandissantes de notre société. Le changement climatique, les pollutions (air, eau, sols), la conservation des milieux naturels, la sécurité alimentaire, l’utilisation des OGM et des pesticides ou encore les crises sanitaires (COVID-19, H1N1, sang contaminé, Mediator®, Depakine®, etc.) sont autant de préoccupations auxquelles sont confrontées les générations actuelles. L’absence de réponses jugées satisfaisantes à ces problématiques, pourtant clairement identifiées, engendre une méfiance de plus en plus marquée à l’égard des autorités publiques. Le politique n’apparaît plus comme le porte-parole idéal de la société, qui tend désormais à manifester directement ses attentes par le biais d’un mouvement d’empowerment. Ainsi, à côté des acteurs « classiques » de la protection de l’environnement et de la santé, émerge une nouvelle catégorie : les acteurs de la société civile.
La recherche proposée a pour objet d’apporter un triple éclairage sur ce phénomène d’empowerment en matière d’environnement et de santé. Cette réflexion collective a tout d’abord pour objectif de mettre en relief les diverses manifestations de cette volonté accrue de participation de la société civile, sa légitimité et son intérêt. Il s’agira par ailleurs de dresser un bilan de la participation de la société civile, en s’interrogeant sur la place qui lui est réservée au travers les mécanismes juridiques, politiques et sociaux. Autrement dit, il sera question de rechercher les moyens actuellement mis à la disposition de la société civile pour contribuer à la protection de la santé et de l’environnement. Enfin, il conviendra de réfléchir – de manière prospective – aux nouveaux moyens juridiques susceptibles d’être proposés afin d’assurer à l’avenir une meilleure participation de la société civile.
Contextualisation du projet
La catégorie désormais plus visible qu’est la société civile regroupe une grande diversité d’acteurs. Particuliers, associations, fondations, ONG ou encore entreprises tendent désormais à s’emparer des questions environnementales et sanitaires, alors même que leurs intérêts peuvent être de nature diamétralement opposée. En effet, si beaucoup agissent en faveur du bien de tous, les actions menées par certains traduisent au contraire l’existence de considérations plus individualistes (enjeux économiques, greenwashing, effet NIMBY…).
Ces actions de la société civile ont été progressivement encadrées. Nous pouvons notamment évoquer la Convention d’Aarhus de 1998[1] – instrument incontournable de la démocratie environnementale – qui a permis de mettre en exergue les trois axes autour desquels s’articulent ces actions : l’information, la participation et l’accès au juge.
Concernant d’abord l’information, plusieurs dispositifs et instances ont été mis en place afin d’améliorer l’information de la société civile à propos des événements ou situations potentiellement attentatoires à la santé ou à l’environnement. On songera entre autres à la création, aux niveaux national et européen, d’un statut juridique protecteur des lanceurs d’alertes. Il conviendra toutefois de s’interroger sur la réelle effectivité de ces mécanismes, leurs potentielles dérives et d’envisager les pistes qui permettraient de les rendre plus efficaces. Dans le même sens, l’actuelle crise sanitaire liée au COVID-19 met en exergue une réelle difficulté à obtenir une information fiable et claire.
S’agissant ensuite de la participation de la société civile à l’élaboration des normes tendant à protéger l’environnement et la santé, plusieurs mécanismes – qu’il conviendra d’étudier – ont été déployés tant au niveau national que supranational. Au plan national, on évoquera notamment le projet d’initiatives populaires et les consultations citoyennes sur les grandes questions de société. Au niveau supranational, à titre d’exemple, l’initiative citoyenne européenne (ICE) est l’instrument central de la démocratie participative dans l’Union européenne. Si le dispositif était jusque-là peu efficient, le règlement (UE) 2019/788 du 17 avril 2019[2] est venu le renforcer afin de le rendre plus efficace, simple et transparent. Parmi les initiatives en cours, bon nombre se rapportent à la protection de l’environnement et de la santé (interdiction du glyphosate, urgence climatique, protection des abeilles…).
Enfin, concernant le recours au juge, on relèvera la multiplication des actions « citoyennes » en justice tendant à dénoncer certaines atteintes à l’environnement et à la santé. Le recours de la société civile au juge se matérialise non seulement par le déclenchement de l’action en justice, mais aussi par la participation au procès. Il est à noter que cette participation est réalisée aussi bien à titre individuel que collectif, grâce aux dispositions autorisant désormais les actions de groupe. Les actions des associations de défense de l’environnement et de protection de la santé participent de la même manière à la mise en évidence de la volonté de la société civile d’agir au plan juridique pour la protection de l’environnement et de la santé. Une réflexion s’impose sur l’opportunité et l’effectivité de ces voies d’accès aux juges.
L’utilisation grandissante de ces divers outils permettant à la société civile de se saisir de la lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé, impose de procéder à une étude pluridisciplinaire (juridique, économique, sciences politiques et sciences sociales) et comparative. Cette dernière permettra de mieux cerner les différents moyens mis à la disposition de la société civile, ainsi que leur complémentarité, leur efficacité et leur effectivité. L’objectif de cette recherche est donc de faire le bilan de ces trois axes (accès à l’information, participation normative et recours au juge) et, le cas échéant d’aboutir à des propositions concrètes d’amendements.
Méthodologie proposée
Différentes approches pourront notamment être proposées :
- Études des modalités d’émergence du rôle de la société civile dans les domaines de l’information, de la participation et de l’accès au juge en matière de santé et d’environnement ;
- Analyses du discours politique sur les différents projets et propositions de loi tendant à ouvrir la participation de la société civile à l’élaboration des normes et l’accès au juge ;
- Études empiriques sur l’efficacité et l’effectivité de ces nouvelles dispositions. Pourront par exemple être proposés un bilan de la Convention d’Aarhus, un recensement des diverses actions menées par des associations (échec et réussites), un état des lieux concernant le lanceur d’alerte (mettant notamment en exergue le pourcentage d’aboutissement des alertes) ou les actions judiciaires menées par les associations de défense de l’environnement et de protection de la santé, etc. ;
- Approches de droit comparé et analyses de droits étrangers afin de dresser un état des lieux des diverses techniques permettant à la société civile de participer à l’œuvre de protection de l’environnement et de la santé. De telles approches pourraient par ailleurs être complétées par une étude de faisabilité d’une transposition des techniques présentant un intérêt particulier au regard de l’état du droit positif français ;
- Analyse de la signification sociologique/politique, des faiblesses et de l’efficience de ces nouveaux modes de traitement des problèmes environnementaux et sanitaires.
Axes de la recherche
Au regard des éléments présentés ci-dessus, les proposition pourront s’inscrire dans l’un ou plusieurs des trois axes suivants :
· Axe 1 – L’accès à l’information de la société civile en matière de santé-environnement
- L’obligation d’information : Transparence, lobbying et conflits d’intérêts ;
- La qualité de l’information : Rôle et perception (méfiance) des médias ;
- Le droit d’accès à l’information ;
- Le droit de divulgation de l’information : émergence de techniques facilitant la dénonciation ;
- Etc.
· Axe 2 – La participation des citoyens et autres acteurs privés à l’émergence de la norme en matière de santé-environnement : formes et efficacité
- L’exercice du droit de pétition ;
- L’initiative citoyenne ;
- Le rôle des associations et fondations ;
- Les enquêtes et consultations publiques ;
- Le lobbying ;
- Les RSE et codes de bonne conduite ;
- L’économie verte ;
- Le greenwashing (communication, labels trompeurs, éthique commerciale) ;
- Etc.
· Axe 3 – L’accès et l’exercice de l’action en justice par la société civile en matière de santé-environnement
- Les recours en droit interne (français et étrangers) ;
- Les actions et recours au niveau européen et international ;
- L’action de groupe ;
- Les actions en justice des associations ;
- Etc.
Calendrier
- Soumission des propositions : projetenvironnementetsante@gmail.com :
avant le 5 octobre 2020
Format: Présentation d’une à deux pages mettant en exergue les grandes lignes de la communication proposée. La proposition devra indiquer l’axe dans lequel elle s’inscrit (axe 1 : L’accès à l’information de la société civile en matière de santé-environnement ; axe 2 : La participation des citoyens et autres acteurs privés à l’émergence de la norme en matière de santé-environnement : formes et efficacité ; axe 3 : L’accès et l’exercice de l’action en justice par la société civile en matière de santé-environnement)
- Réponse du comité scientifique :
16 octobre 2020 - Restitution des projets de contribution :
8 mars 2021 - Colloque :
Besançon, 18 et 19 mars 2021 / présentations de 20 min. - Rendu final des actes du colloque :
19 avril 2021 / communications de 10 à 15 pages - Publication des actes : 2nd semestre 2021
Direction scientifique :
Amanda Dubuis,
Maître de conférences, CRJFC
amanda.dubuis@univ-fcomte.fr
Béatrice Lapérou-Scheneider,
Maître de conférences HDR, CRJFC
beatrice.laperou@univ-fcomte.fr
CRJFC : contact-crjfc@univ-fcomte.fr
[1] Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Convention d’Aarhus), signée le 25 juin 1998.
[2] Règlement (UE) 2019/788 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relatif à l’initiative citoyenne, JOUE, n° L 130 du 17 mai 2019, p. 55-81.